Photos : E. Baril, S. Goutenègre, Graig Chaddock, BioBrasil
Des looks improbables!
Les Callitrichidés sont des primates assez incroyables tant par leurs looks que par leurs tempéraments. C'est en partie pour ces raisons qu'ils sont victimes du braconnage... Chaque espèce est identifiable assez facilement grâce à un pelage assez voyant (ou au contraire très discret) et atypique autour du cou ou de la tête. Le tamarin pinché a par exemple une crête exubérante blanche à l'iroquois, le tamarin lion doré une crinière rousse de lion, le tamarin empereur de grosses moustaches ou d'autres espèces peuvent ne pas avoir de poils du tout sur la tête. Le tamarin de Goeldi a quant à lui un pelage noir très discret qui compense son caractère bien trempé de mini gorille! Cependant, ces signes distinctifs propres à chaque espèce ne permettent pas de différencier le mâle de la femelle, les deux sexes sont identiques. La plupart des espèces présentent également des oreilles avec des formes de pavillons auditifs assez particulières. Certains ont des oreilles pointues à la Mr Spok comme le tamarin labié, ou de larges oreilles comme le lion doré. Nous ne pourrons pas énumérer ici les 61 espèces...
La famille des Callitrichidés regroupe des primates tous grégaires, vivant en groupes familiaux de 5 à 18 individus en fonction des espèces. La plupart des groupes sont composés d'un couple avec ses jeunes et parfois d'autres individus apparentés.
La communication joue un rôle majeur pour la survie de ces groupes : Communication olfactive avec le marquage des territoires et communication orale avec de larges répertoires vocaux. Il est prouvé que bons nombres d'espèces (tamarin empereur, tamarin de Goeldi) sont capables de cohabiter sur un même territoire afin de "s'entraider". Les uns étant capables de comprendre la communication des autres, comme un échange de bons procédés, notamment pour les ressources de nourriture et s'alarmer d'approches de prédateurs.
Photos: S. Goutenègre, E. Baril, I. Inforzato, M. Grévin.
Les tamarins sont des animaux diurnes, commençant leurs activités à l'aube, arpentant leur territoire pour trouver de la nourriture. Leurs cris leurs permettent de rester en contact à la moindre alerte. Le toilettage (épouillage) entre individus est une activité sociale très importante qui sert à renforcer les liens. Chez les jeunes, le jeux est également important, se lançant dans des courses poursuites entre frères et soeurs. Les liens qui unissent les membres d'une famille sont très forts. Le couple dominant garde un œil sur tout le groupe, le mâle ayant une charge importante car très impliqué dans l'élevage des jeunes.
A la nuit tombée, tous se retrouvent dans la cavité d'un arbre pour y dormir tous ensemble.
Photos: S. Goutenègre, E. Baril, G. Shaddock, M. Grévin.
La famille des tamarins a une alimentation très variée. Afin de survivre dans leur milieu, ces primates comptent sur leur nombre pour trouver les sources de nourritures ! Ils restent en contact permanent grâce à leurs différentes vocalises. Ils sont omnivores, ce qui inclus majoritairement des fruits variés, des insectes (vers, sauterelles), de la gomme arabique qu'ils extraient des arbres en arrachant l'écorce avec leurs dents. Ils chassent des petites proies (grenouilles, oiseaux...) et consomment différents végétaux, fleurs et nectars.
Une particularité caractérise bien la famille des Callitrichidés dans leurs reproductions : la naissance de jumeaux, et même parfois de triplés (à l'exception des tamarins de Goeldi qui ont un unique petit).
Arrivée à maturité sexuelle vers 15 mois, la femelle marque son territoire grâce à des glandes pour informer le mâle de sa disponibilité et notamment imposer sa dominance aux autres femelles. S'en suivra tout un ballet de papouilles et d'attentions du mâle. Les accouplements sont souvent très discrets. La femelle met bas après une gestation d'environ 130 jours. La portée se compose souvent de ( faux ) jumeaux, voire de triplés. Seul le couple dominant se reproduit dans le groupe, la femelle étant capable de stopper l'ovulation des autres femelles. Tout le groupe participe à l'élevage des jeunes, mais le plus gros du travail revient au père qui après quelques semaines, prend en charge l'élevage de la portée. Le père va porter sur son dos les jeunes jusqu'à leur 4ème mois, avant que ces derniers ne commencent à être totalement autonomes. C'est notamment lui qui leur apprendra à sélectionner leurs nourritures. Les jeunes sont sevrés vers l'âge de 3 mois. Cette période est très intense pour le groupe, notamment en terme de communication et de liens sociaux. Les nouveaux nés iront jouer et apprendre avec les autres membres du groupe laissant un peu de répit à leur père. Les très jeunes mâles des portées précédentes commenceront à "s'entraîner" à être père. C'est absolument fascinant d'observer ces comportements au sein du groupe et de voir que les jeunes mâles prennent d'instinct le rôle de père. Les femelles étant souvent beaucoup plus indépendantes par rapport aux nouveaux-nés.
Ce mode de reproduction permet à l'espèce un meilleur taux de survie.
Photos: S. Goutenègre, sauf ouistiti argenté, Vallée des singes.
Un père exemplaire!
Chez les tamarins lion, comme pour la plupart des espèces de tamarin, le père joue un rôle cruciale dans l'élevage des petits. La femelle se limitant à de brèves prises en charge des nouveaux-nés pour l'allaitement. Il porte constamment les petits et garde toujours un œil très protecteur quand ces derniers s'éloignent un peu trop. Mr est d'autant plus sollicité quand il a plusieurs portées, car c'est principalement lui qui met de l'ordre dans le groupe familiale. Il est aussi très attentionné avec sa femelle par des épouillages fréquents. La femelle, quant à elle, se charge de faire savoir aux concurrentes d'autres groupes que la place est prise! Elle émet des vocalises rauques et répétitives pour que les autres femelles gardent leurs distances. Elle est tout de même présente pour les interactions sociales mais peut rester assez distante des petits. Le soir venu, tout le monde se retrouve pour dormir ensemble dans la même cavité d'arbre. Autant dire que papa a besoin d'une bonne nuit de sommeil pour recharger les batteries!!!
Les tamarins sont en règle générale des primates assez robustes, mais comme tout animal, sujet à quelques spécificités médicales.
Il faut savoir que ces animaux sont allergiques au gluten et assujettis à des complications digestives. En effet, ils peuvent très mal supporter certains aliments comme ceux trop riches en vitamine C ou en fer, néfastes pour le bon fonctionnement des organes digestifs.
L'alimentation, en toute logique, reste la base essentielle du bon fonctionnement de leur organisme. Dans leur milieu, ils consomment une grande variété de feuillage et autres fleurs qui répondent à leur besoin en fibres. Les insectes et les œufs leurs apportent leur besoin en protéines.
Le stress, tout comme les contaminations parasitaires, peuvent causer un dérèglement du système digestif, avec des diarrhées. Il ne faut pas occulter le côté psychologique chez ces êtres sensibles. Ces animaux grégaires supportent très mal d'être isolés de leur groupe, pouvant provoquer des troubles du comportement, comme l'automutilation, une agressivité, une léthargie, voir l'absence de vocalisation.
Ci-contre, quelques clichés d'examens médicaux pratiqués sur un tamarin empereur et un tamarin de Goeldi par le Dr Pierre Huberdeau, vétérinaire spécialisé en faune sauvage et membre de l'association, et l'équipe vétérinaire de la Ménagerie du jardin des plantes.
Photos : S. Goutenègre/ MNHN
La menace majeure qui pèse sur le futur de ces espèces est la destruction de leur habitat. Notre faculté à prendre conscience de ces enjeux écologiques et la réactivité des Etats concernés par la gestion de ces territoires est une priorité. La culture agro-forestière, comme par exemple la plantation de cacao, permet de financer et d'impliquer les populations locales et de les sensibiliser à la protection et à replanter ces forêts primaires. Une espèce, le tamarin lion doré, emblème de ce sauvetage en cours, a frôlé l'extinction... pour combien de temps?
En Amérique du Sud, un pays à lui tout seul résume l'étendu de la catastrophe écologique majeure qui perdure depuis les années 80 : le Brésil. Ce pays qui exploite sa richesse, son poumon vert, avec la destruction massive de ses forêts dans le bassin amazonien. Nous avons tous en mémoire, les images effroyables de milliers d'hectares en feu à l’Été 2019. Tout un biotope voué à disparaître avec des espèces animales et végétales endémiques. Les tamarins en font partie.
Il y a un exemple concret qui résume la situation, c'est la forêt Matà Atlanticà, au sud Est du Brésil dans l'état de Rio de Janeiro. Une des rares forêts côtières primaires, unique habitat de 4 espèces de tamarins lion. Sa superficie dont il ne reste plus que de 2% de sa superficie d'origine du fait de l'exploitation pour le bois, le charbon de bois, l'agriculture, l'élevage de bétail suivie de l'expansion urbaine. Aujourd'hui, la distribution des tamarins lion s'est restreinte sur le bassin de la rivière Sao Jao, soit pas plus de 3000 Km2.
Même à l'état réduit, la Matà Atlanticà, est d'une importance économique, sociale et environnementale. En raison de son isolement géographique par rapport aux autres types de forêts, 52% des espèces d'arbres, 92% des amphibiens et au moins 158 espèces d'oiseaux ne se trouvent nulle part ailleurs. 18 des 77 espèces de primates du Brésil, comprenant les tamarins, se trouvent uniquement dans cette forêt. On y trouve également des jaguars, tapirs, coatis et nombre de reptiles et poissons endémiques. La diversité des arbres de cette forêt se classe parmi la plus élevée du monde. Cette forêt fut classée au patrimoine mondial de l'UNESCO en 1999.
Aujourd'hui, afin de préserver les populations de tamarins d'un appauvrissement génétique de part la fragmentation de leur habitat, nous aidons l'association AMLD à financer la construction de "pont" forestier, des couloirs verts, pour permettre un brassage des populations de tamarins. Les populations locales sont activement impliquées pour la reforestation et dans une pratique d'agro-culture raisonnée, notamment avec les plantations de cacao qui ne nécessitent pas une déforestation totale. Ce qui peut permettre à terme, la survie de certaines espèces comme le tamarin lion à tête doré qui pourrait s'adapter à ces changements.
Photos: S. Goutenègre, E. Baril, I. Inforzato/ carte: SGLT
En plus de la perte de leur habitat, les populations de tamarins, particulièrement les lions, font l'objet depuis de nombreuses années d'un trafic international pour le marché noir d'animaux de compagnie ou de collectionneurs privés. Ceci ne date pas d'hier, Mme de Pompadour en possédait... Depuis une décennie, on constate également une augmentation des vols et braconnage en France, au sein des parcs zoologiques... L'association propose systématiquement son expertise à la Justice.
De part leur petite taille et leur familiarité, les tamarins sont victimes d'un trafic pour le marché d'animaux de compagnie depuis des décennies. Ces animaux grégaires ayant des besoins et des liens sociaux complexes, ne sont évidemement pas fait pour être détenus comme tels... Seuls, ils dépérissent, peuvent devenir dangereux (c'est un singe, ça mord!) et vecteur de zoonoses. Sans soins et conditions de détention appropriés, ils ne sauraient survivre. Malgré cela, de nos jours on constate un réel marché à l'international pour des collectionneurs privés peu scrupuleux. Ceci étant complètement illégal, ces espèces étant protégées par la Convention de Washington.
En captivité, les lions doré et à tête dorée détenus en parcs zoologiques sont tous la propriété du Brésil et font l'objet de programmes de conservation et de reproduction, encadrés par des équipes animalières professionnelles. Cependant, nous constatons depuis quelques années la recrudescence de vols et braconnage de plusieurs animaux au sein de parcs zoologiques: En 2013, vol de plusieurs ouistitis dans un zoo aux Canaries, en 2014 vol de 5 tamarins au zoo de Blackpool au Royaume-uni. La France est à son tour touchée par ce fléau: en 2011, 2 tamarins empereurs étaient volés au zoo de Lyon. Le zoo de Beauval est victime également en 2015, avec le vol de 7 tamarins lion doré et 10 ouistitis argenté, sans pouvoir retrouver leurs protégés, ni les auteurs du vol, malgré une action en justice. Même constat, fin 2020, à l'association Cavex qui s'est faite dérober 14 tamarins lion à tête doré. Dernièrement, en Août 2021, le zoo d'Upie s'est fait dérober un couple de tamarin labié et 10 lémuriens maki catta par un commando, affaire suivie par le Parquet de Valence. Grâce au travail d'investigation de la gendarmerie, 8 lémuriens furent retrouvés une semaine plus tard et restitués au zoo. Début 2022, 4 ouistitis furent dérobés au zoo de Thoiry avant d'être retrouvés quelques jours plus tard... La liste s'allonge.
Nous nous rapprochons systématiquement de la justice pour proposer notre expertise. Ce trafic lucratif profiterait à des collectionneurs privés qui passent "commande" ou vendu comme animal de compagnie sur le marché noir. Un animal peut être revendu entre 5 000 à 10 000 Euros, voire plus. En France, la loi punit de 7 ans d'emprisonnement et de 15 000 à 150 000 Euros d'amende le trafic d'espèces animales ou végétales en bande organisée.
Ces animaux sauvages qui requièrent des besoins particuliers, n'ont absolument pas leur place comme animaux de compagnie. Etant donné leurs statuts de conservation en milieu sauvage, le braconnage est extrêmement dommageable pour ces espèces.
Photos: S. Goutenègre, G. Shaddock, E. Baril.
Voici l'histoire d'un tamarin lion à tête dorée qui a vécu une sacrée épopée à travers la France... Le tamarin lion à tête dorée est une des espèces de Callitrichidés les plus menacées et malheureusement convoitées sur le marché noir. Ce primate nommé Hugo, fait parti à l'origine d'un élevage conservatoire basé en région parisienne. Fin 2020, cet élevage fait l'objet d'une intrusion et est victime du vol de 14 tamarins, affaire suivie par la Brigade de gendarmerie locale. Dès l'annonce de ce vol, l'association a suivi de très près l'évolution des recherches et a proposé son expertise sur cette espèce au Procureur de Pontoise en charge du dossier. Très vite des vidéos apparaissent sur les réseaux sociaux où l'on peut notamment voir des tamarins apeurés dans une salle de bain, prostrés sous une douche. On a vent de proposition de vente dans des caves de cités du 19ème arrondissement de Paris. Puis les primates se volatilisent. Des traces de ces animaux sont retrouvés à Angers sans pouvoir mettre la main dessus, et plus rien... Jusqu'au 01 septembre 2021, où en plein milieu d'une cours de récréation d'une école des quartiers Nord de Marseille est aperçu un petit primate courant en direction d'un marché aux puces. L'intervention des marins pompiers de Marseille et son équipe NAC est nécessaire et parviennent à capturer le tamarin qui est relativement calme. Les marins pompiers nous ayant contactés, nous avons pu leur donner les premières recommandations, notamment pour son alimentation et nous assurer de son état sanitaire après près d'un an de recherche... il est un peu déshydraté mais plutôt en forme. Le procureur de Marseille se saisit de l'affaire et Hugo sera placé temporairement à la SPA de Marseille afin de retrouver son propriétaire. Par chance il est pucé. La décision sera prise de le placer dans un zoo du Sud de la France. Une histoire de vol qui finie bien, grâce à une chaîne de solidarité et un petit singe malin qui a visiblement échappé à ses ravisseurs! Les 13 autres compagnons d'Hugo restent à ce jour malheureusement introuvables...
Avec son look reconnaissable entre tous, ce tamarin originaire de Colombie fait partie des espèces les plus menacées. Victime de la déforestation et du braconnage, il est fréquemment saisi par les autorités pour le marché noir d'animaux de compagnie. Célébrons ce petit punk!
Ensemble protégeons le tamarin pinché!